Exercice de style

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Version informatique programmée par T. Papp en 1989 de «Cent mille milliards de poèmes» de Raymond Queneau

Participer à la journée «Enseigner le français aujourd’hui» (voir article précédent), sera l’occasion de m’exprimer sur ce qui se situe au-delà de mes formations. J’entends par «au-delà» ce qui fait l’essence de ces formations: l’esprit au-delà du contenu.

C’est cet esprit que j’aimerais évoquer tout au long de cet article.

Pour qui s’est intéressé à ma façon de sensibiliser à la part visuelle de l’écriture, la notion d’exercice de style n’est pas surprenante. Je prendrai pour exemple «Les 15 façons d’écrire « En marche! »» déjà présenté dans cet article.

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L’exercice de style c’est la voie royale pour «essayer et voir ce que ça fait». Une façon comme une autre de jauger une image de marque avec des participants, en intelligence collective et en connaissance de cause (même si je ne suis pas persuadé que cette démarche ait prévalu à l’avènement du lettrage des «Marcheurs»).

En ouverture de cet article se trouve une copie d’écran de la version informatique programmée par T. Papp de «Cent mille milliards de poèmes» de Raymond Queneau. Raymond Queneau est aussi l’auteur d’«Exercices de style», un livre racontant 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes.

Ce qui m’anime quand je consulte une de ces œuvres littéraires, c’est l’esprit ludique, le goût du jeu au-delà de la qualité de l’œuvre. Pour moi l’auteur s’est amusé, il a joué. Ces œuvres me font sourire. Et c’est cet esprit que je veux insuffler à mes formations.

La notion de jeu, en pédagogie comme en gestion de groupe, est très en vogue. Mais la question est de savoir «à quel jeu joue-t-on?».

En effet, la définition de «jeu» en français est une des plus longues du dictionnaire. Nous ne possédons même pas la nuance entre le game et le play des anglais. Ce qui est certain, c’est que le jeu qui m’intéresse n’est pas celui qui est centré sur la thésaurisation, où le gagnant prend tout. Ce serait plutôt celui du «beau geste», du «jubilatoire», celui qui permet «d’être avec», de se «sentir vivre», même si la victoire n’est pas toujours au rendez-vous.

Pour certains historiens et anthropologues, le jeu est à la racine de notre notion de culture en cela même qu’il la précède. Même si les recherches en la matière sont contestés, il est avéré que de nombreux animaux jouent (même les fourmis parait-il)*.

Alors pour terminer cet article, je vous propose un petit jeu:

Que vous rappelle ce texte? En quoi lui manque t-il quelque-chose?

« J’avoue j’en ai bavé pas toi mon amour ; Avant d’avoir eu vent de toi mon amour
À ton avis qu’avons-nous vu de l’amour ? De toi à moi tu m’a eu mon amour
Hélas avril en vain me voue à l’amour ; J’avais envie de voir en toi cet amour
La vie ne vaut d’être vécue sans amour ; Mais c’est toi qui l’a voulu mon amour »

Difficile d’aplatir ce superbe texte de La javanaise de Serge Gainsbourg même en utilisant le tutoiement… mais existe-il une façon plus imagée, plus directement compréhensible, de faire sentir l’importance et le plaisir qu’il y a à utiliser l’allitération. Allitération en V du vouvoiement dans ce cas, propre à mettre à distance l’être aimé qui n’est plus là.

Une occasion comme une autre d’apprendre le français aujourd’hui.

Au plaisir de vous retrouver.

Pascal Popesco

 

* Pour en savoir plus, je vous propose de consulter la revue du MAUSS n°45 – L’esprit du jeu – Jouer, donner, s’adonner