Ce lundi 13 mars, j’ai eu le plaisir de participer en tant que partenaire artistique, au premier des cinq ateliers qui se déroulent à l’école Jules Anspach de Bruxelles-Villes. Ces ateliers sont proposés dans le cadre du PECA (Parcours d’Éducation Culturelle et Artistique).
Pour celles et ceux d’entre vous qui ne seraient pas au courant, ce parcours vise à faire rencontrer/découvrir/pratiquer les arts, les artistes et les institutions culturelles à tous les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et ce tout au long de leur scolarité.






Au programme de cette première demi-journée une rencontre/causerie autour du projet artistico/philosophique et du livre-objet « 13/113 oracles du Tarot de Pont-de-Montvert » dont je suis le promoteur.
Si le but n’était pas d’approfondir les arcanes de ce « Tarot », il a permis de nous questionner sur l’art, les artistes, leurs fonctions et leurs utilités… vastes débats que ces jeunes élèves abordent avec naturel, simplicité et pertinence.
Au-delà des questionnements qui resteront toujours présents et essentiels dans ce parcours, il s’est agi et il s’agira de «pratiquer» lors de ces cinq matinées que nous allons partager.
Au menu: images créatives et mystérieuses, dessins, gravures, impressions, expressions orales et narrations écrites pour toutes et tous, pour qu’au final, elles et ils puissent nous proposer leur livre, leur vision du monde et de l’avenir… leur « Tarot » en quelque sorte.
Pour ces interventions, je suis loin d’être seul.
Bien évidemment, j’ai le plaisir de bénéficier du travail et du vif intérêt de Déborah Walraevens et de ses élèves. Sur le terrain, je suis en étroite collaboration avec Pauline Godard de l’Artothèque de Wolubilis, pour la mise en place et la réalisation de ces ateliers. À nos côtés, l’aide précieuse de l’ensemble des membres du personnel du Centre pédagogique Jules Anspach de Bruxelles-Ville, du Centre Culturel Jacques Frank, de La Concertation asbl, du CECP et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un grand merci à toutes et à tous.
Au plaisir de vous retrouver dans cet article qui évoluera au fur et à mesure de l’avancement des ateliers,
Bonjour chez vous,
Pascal Popesco
Lundi 13 mars 2023
Images ambiguës
Je dois dire que j’étais impatient de cette première rencontre. Ayant déjà travaillé avec des élèves de cette classe d’âge, je sais qu’elles et ils sont curieux et attentifs par nature… mais comment aborder simplement le «Tarot de Pont-de-Montvert», un projet artistico-philosophique multiple et foisonnant, qui laisse plus d’un adulte songeur ? C’est toute la richesse de travailler avec un jeune public: il oblige à aller à l’essentiel.
Regarder et pratiquer des images et des textes ambigus pour se poser des questions, écrire une histoire commune et envisager un avenir lointain, mais radieux, après une période difficile : les finalités du «Tarot de Pont-de-Montvert» sont simples et transparentes. N’allons pas chercher plus loin. Manipuler des textes et des images, mettre la main à la pâte: le parcours se fait de lui-même.
La semaine prochaine nous allons « montrer » Molière et son théâtre… Le lien n’est-il pas évident ? Molière n’était pas vraiment heureux des travers de son temps… et il n’a cessé de les critiquer et de les mettre en scène par le rire pour mieux les dénoncer.
Molière mécontent… Oui ! Mais « mécontent dans la joie », sans haine et sans violence, pour questionner et faire réfléchir.
« Être mécontent dans la joie », ne serait-ce pas là une des qualités artistiques à montrer et à développer auprès du jeune public ? Ces ateliers seront l’occasion de leur proposer à leur tour d’être « mécontent·e·s dans la joie » et de s’exprimer ensemble et à leur manière… et par la même, faire bouger (ne serait-ce qu’un peu) les lignes.
Mais commençons par leurs images…
Lundi 20 mars 2023
«Avoir une histoire ensemble»
« Avoir une histoire ensemble », voilà une bien belle expression.
Elle nous parle de ce que les amoureux aimeraient prolonger et explorer le plus longtemps possible
Elle nous parle aussi de ce que les peuples en guerre sont incapables d’avoir entre eux: une histoire commune.
Être capable de cohabiter et de travailler à un projet commun, sans heurts inutiles, même si l’on se sent différent et même si nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde… voilà ce qui nous semble une belle compétence à développer chez de jeunes élèves.
D’ici quelques dizaines d’années, le Tarot de Pont-de-Montvert aura ses 113 oracles… mais en attendant, 14 images existantes c’est un peu peu pour faire un « Tarot des contes ». C’est donc le jeu «Dream On»* et sa riche iconographie onirique qui nous ont fourni matière à histoire.
Chacune et chacun a pu placer ses cartes à tour de rôle et faire avancer la narration. Chacune et chacun a pu intervenir dans un second temps pour proposer de modifier l’histoire, avec l’accord de toutes et de tous: soit à l’unanimité soit à la plus grande majorité possible (et en tenant compte de la minorité). Avec toujours en tête un seul et même objectif: que ces modifications aillent dans le sens d’une amélioration de l’histoire.
Un bel exercice de démocratie… pas si facile à mettre en place.
Et est-ce que tout ça donne une bonne histoire ? Nous vous laissons en juger.
En attendant, vous trouverez ci-après les cartes proposées par les élèves dans la continuité narrative.
C’est moi qui ai eu la lourde tache de retranscrire une première fois cette histoire, avec mes mots, mon style, mon humour… sans trop trahir leur histoire. C’est une tâche quasi impossible, mais nécessaire. Vous trouverez ci-après cette version.
Le film se termine dans la Grande Salle du cinéma Kino Palace de la place De Brouckère. Le public commence à sortir tranquillement, mais tout d’un coup une personne crie: « Au feu ! »
Début de panique, mais le problème n’est pas à l’intérieur. C’est au-dehors que la ville flambe. Au-dessus de la Grand-Place, d’énormes soucoupes volantes projettent leur rayon de la mort sur les maisons du centre-ville dont les toits s’embrasent.
À deux pas du Manneken Pis, une cohorte d’êtres humanoïdes couverts de scaphandres commencent à envahir les rues. C’est la terreur en cette belle soirée de printemps. Mais, chance pour notre belle ville de Bruxelles, le temps se couvre et une giboulée aussi violente qu’inattendue éteint les flammes qui consument les charpentes.
La chance ne suffit pas à contenir l’invasion des extra-terrestres. Ils ont tout prévu. Ils déversent par millions pièces et billets au-dessus de la Ville. Attirés par cette manne inattendue, les habitants se précipitent de toute part.
En plus des pièces et billets, les extra-terrestres déversent des milliers de sachets de pilules. Sur chaque paquet une inscription irrésistible: « Je fais le bonheur: mange-moi ! ». Ces pilules ne sont là que pour prendre le contrôle de la population. Qui les mange devient aussitôt un pantin contrôlé par les extra-terrestres.
Jean-Baptiste (notre héros) qui assiste à tout cela se rend bien compte que cet argent ne vaut rien et que ces pilules sont un véritable poison… mais il n’arrive pas à avertir les Bruxellois. Heureusement, il a d’autres pouvoirs: il sait embrouiller les extra-terrestres.
Par son pouvoir de persuasion, il recouvre de peinture noire les vitres des soucoupes volantes. Des milliers de vaisseaux extra-terrestres, devenus aveugles, s’écrasent au bois de La Cambre en formant un gigantesque volcan.
Les dernières pluies torrentielles forment une rivière qui réussit à éteindre définitivement le volcan. Le bois de La Cambre et la ville sont sauvés. La paix revient avec le beau temps… et un arc-en-ciel se forme par-delà les nuages.
Jean-Baptiste rayonne, lui seul sait qu’il a sauvé Bruxelles… mais il se sent bien seul. Sur son chemin, il trouve un énorme paquet cadeau plein de couleurs chatoyantes. Jean Baptiste ne peut s’empêcher d’ouvrir le paquet. Une belle fée lumineuse en sort et se précipite sur lui… C’est le dernier piège des extra-terrestres… Cette fée est manipulée par les médicaments. Elle est obligée d’embrasser Jean-Baptiste avec un baiser empoisonné par les extra-terrestres.
Tiens! Voilà que survient un drôle de vieux bonhomme habillé en rouge avec une barbe blanche… Si je n’étais pas certain qu’il n’existe pas, je dirais que c’est le Père-Noël. Il s’approche de ce triste couple. Il souffle dans sa main et un nuage de poussières étincelantes recouvre les amoureux. La fée perd son poison, et commence à regarder tendrement Jean-Baptiste…
C’est le grand amour… Mais si… C’est une histoire vraie ! J’ai encore croisé Jean-Baptiste et Clochette au Bois de La Cambre… Sur un banc, ils s’embrassaient ! Je le jure ! Parole de Père-Noël !
Il va s’agir maintenant pour les élèves, pour Déborah et pour Pauline de tout faire pour se réapproprier cette histoire avec leurs mots, leurs styles et leurs humours. Quant à moi il ne me reste plus que la tâche au combien difficile de me faire petit, et de me mettre au service de leur histoire et des images qu’elle leur inspire.
* Merci à Valentina Moscon, Alexandre Droit et Julien Prothière, illustratrice et créateurs du jeu «Dream On», et merci à la Ludothèque de la Maison de la Francité de nous avoir permis d’emprunter ce jeu qui n’est malheureusement plus édité.
Lundi 3 avril
Inspiration à l’Artothèque…
Ce lundi 3 avril, nous venons chercher l’inspiration l’Artothèque de Wolubilis. Lieu magique et ultra riche en variété d’images, de peintures, de photographies, d’objets… et donc en inspiration pour ces jeunes narrateurs/graveurs.
























Après avoir découvert et pointé du doigt leurs inspirations, nous avons pris nos outils de dessin avec une première contrainte, en dehors de notre histoire: bien occuper un format commun qui sera aussi notre format de gravure… le sous-bock.
Lundi 17 avril
Un blanco, un chemin de fer… et des gravures
Ce lundi nous repartons avec quelques nouveaux éléments en main…
Tout d’abord, les élèves et Madame Déborah ont profité de ces 15 jours pour s’approprier le texte: des mots qui sont devenus les leurs, un personnage qui change de nom, leurs expressions et leurs compréhensions. Le texte a été découpé en 10 morceaux et les élèves ont commencé à se répartir l’histoire: « moi je veux faire ce morceau-là, moi celui-ci… », sans que tout le monde veuille faire la même partie.
Autant dire que mon travail en est plus que facilité.
C’est sur cette base que je construis un blanco et un chemin de fer qui vont nous permettre d’aborder les mystères du travail éditorial.
Un livre relié est le regroupement de « cahiers » possédant chacun un multiple de 4 pages. Notre livre aura 24 pages + 4 pages de couverture.
Un « blanco » en imprimerie, c’est le livre sans les textes et les images. Juste le papier qui sera utilisé pour l’impression et la reliure… que des pages blanches que nous allons remplir avec des Post-its et des morceaux de texte.
Le voyage au cœur du livre commence: que va-t-on y trouver ?
- Page de couverture: le titre ? les auteurs?
- 2e de couverture: rien ?
- Page 1: la reprise de titre? les auteurs?
- Page 2: l’éditeur ? Les crédits?
- Page 3: là… les choses sérieuses commencent… Votre histoire… à raison de deux pages d’illustrations et textes pour chacune et chacun. Et donc, si je compte bien, l’histoire se termine… page 22. Ils nous restent…
- Page 23: les crédits? les auteurs ? les mentions légales? les remerciements?
- Page 24: les crédits? les auteurs ? les mentions légales? les remerciements?
- 3e de couverture: rien?
- 4e couverture: un résumé… ou rien ?
Voilà, le livre n’a presque plus de secrets pour nous… et puis: 3-4, 5-6, 7-8… il ne reste plus qu’à se partager les doubles pages et leurs contenus.
Au final, nous obtenons un beau « chemin de fer » avec ses 10 beaux wagons de deux pages à écrire et à illustrer.
Ci-dessous, un exemple de chemin de fer de 16 pages:

Le chemin de fer est un passage indispensable avant ce qui va nous occuper aujourd’hui : l’illustration par la gravure. Il n’y a plus qu’à.
Les gravures

Mission accomplie en un tournemain… enfin presque. Initier dix élèves motivés à la gravure en taille d’épargne à moi tout seul… mission impossible. Sans la présence active et soutenue de Madame Deborah, les impatientes auraient pris le dessus sur la curiosité… et de résultats… ils n’y auraient pas. C’est un travail d’équipe à tous les niveaux: les plus avancé·e·s donnant leurs conseils à ceux et celles qui ont besoin de plus de temps.
L’atelier se termine et chacune et chacun ont pu faire et tester leurs gravures… Elles sont réussies et elles/ils semblent satisfaits.
Bravo à toutes et tous! Vous allez avoir votre histoire dans un livre: c’est certain. Il n’y a plus qu’à… lundi prochain.
Lundi 24 avril
Avoir un livre ensemble
Dernières heures d’atelier, dernière ligne droite… quelque chose va me manquer.
Nous voilà tout les treize réunies pour terminer notre livre: Ayman, Bilal, Deborah, Ilias, Ingram, Isaac, Joao, Jozef, Rami, Sabrina, Madame Deborah, Monsieur Pascal et Madame Pauline.
Effectivement, il n’y a plus qu’à…
Illustrations: Elles et ils vont imprimer leurs gravures et les mettre en couleur. Une série de trois multiples… choisir la meilleure impression et éventuellement des couleurs pour rehausser, préciser, magnifier l’épreuve monochrome.
Textes: Parallèlement à ce travail d’illustration, chacune et chacun écrit son texte sur sa double page.
Couverture: Mais comment avoir une seule page de couverture qui soit le reflet de la sensibilité de toutes et tous? Qu’à cela ne tienne. Nous avons découpé l’histoire en 20 morceaux… tentons de découper le titre en en 10 morceaux et groupes de lettres. Et sous la riche influence de la superbe compilation de Massin, « La lettre et l’image », chacune et chacun a pu dessiner son mot.
Au fur et à mesure que chacune et chacun termine à son rythme, les wagons du chemin de fer viennent s’attacher les uns aux autres et le « blanco » vient se couvrir de lettres, d’images, de couleurs et d’histoires.
Il restera à Madame Deborah et aux élèves à peaufiner les crédits et mentions légales, et à Monsieur Popesco de scanner, imprimer et relier l’ouvrage.
En attendant, je ne résiste pas au plaisir de dévoiler les dix wagons en construction.
Nous retrouverons le livre, dûment imprimé (et reproduit en PDF à la fin de cet article), lors de nos retrouvailles de la Fancy-Fair du 24 juin…
Est-ce une bonne histoire? Est-ce un bon livre? Ce sera aux regardeurs de juger… Ce sont eux qui font les tableaux.
Pour moi ce livre est superbe.
Pas tant par le fait qu’il est bouillonnant de vie, de créativité et de couleurs, mais par le fait qu’il est un résultat commun. Il est la trace que ces dix enfants, quelque soient leurs différences, leurs affinités et leurs motivations ont été capable, ne serait-ce que l’espace d’un instant, de développer cette capacité qui manque tellement à l’être humain: travailler ensemble à un projet commun.
FIN
… mais comme il nous restait un peu de temps après ça, et que le livre de Massin sur les écritures imagées nous avait vraiment beaucoup plus, nous avons fabriqué notre propre alphabet sous contrainte technique forte… je l’ai nommé pour l’occasion l’ABwC…

Sans contraintes pas de créativité… La fois prochaine… nous nous attaquerons aux minuscules 🙂
Samedi 24 juin 2023
C’est la fête !
(à suivre…)
Projet soutenu par le Consortium Bruxellois porté par La Concertation Action Culturelle Bruxelloise et la Communauté française dans le cadre du Parcours d’Éducation Culturelle et Artistique






